Je suis perdue

La feuille de papier, d’une blancheur presque trop vive, est posée devant moi et me fixe avec un air de défi. Ma plume suspendue quelques centimètres au dessus d’elle frémit entre mes doigts. Je n’arrive pas à faire le moindre geste. Les idées se bousculent dans ma tête. Des images apparaissent pour se disloquer avant que je n’aie eu le temps de coucher le moindre mot sur le papier.

Je me sens perdue, inutile.

Un manque profond me ronge le cœur. J’ai envie de noircir cette feuille. J’ai envie d’y faire courir le bout de ma plume. Mais je ne trouve rien à dire, rien à décrire, rien à raconter… S’en devient presque trop douloureux. Cette envie gonfle au fond de ma poitrine sans pouvoir trouver le moyen de sortir. J’ai envie de me forcer, mais je sais qu’hier, comme le jour d’avant, le résultat m’a mis dans une fureur insupportable.

Je ne comprends pas pourquoi les mots ne viennent plus.

L’Ecriture était une échappatoire, un besoin. Elle me permettait de partager autrement qu’avec la voix. Elle me permettait de faire vivre mes sentiments, de me transporter dans un autre monde. Je pouvais écrire pendant des heures, en oubliant que j’étais assise sur mon lit, dans ma chambre. J’étais transportée dans des univers dont l’entrée m’était exclusivement réservée. Il me suffisait de penser pour que les choses se créent. J’avais un pouvoir immense juste au bout des doigts. Moi qui avais toujours rêvé pouvoir contrôler quelque chose, je pouvais créer mon monde. Simplement en écrivant, je transformais ma réalité.

Mon pouvoir a disparu.

A présent, les portes sont closes et refusent de s’ouvrir. Je suis comme condamnée à observer par une petite fenêtre les idées qui sommeillent en moi sans pouvoir les saisir pleinement. Même en essayant de forcer l’entrée, d’aligner des mots, de dessiner des traits… Plus rien n’apparaît.

Je suis une écrivaine en manque d’inspiration.