“Range ta chambre Alice !” Toujours la même rengaine. Chaque mercredi, l’air outré, les lèvres pincées, la tête seulement dépassant de la porte. “Oui maman.” Toujours la même réponse. Chaque mercredi, l’air désespéré, une moue désappointée sur les lèvres, la tête posée contre le mur. Je me lève péniblement et traîne des pieds sur le parquet. Je jette un coup d’oeil à ma chambre. Un joyeux bordel. Un petit cocon de désordre.
Un peu comme mon esprit.
Les cahiers se battant en duel pour obtenir une place sur mon bureau, les livres ne tenant plus sur ma table de chevet, mes vêtements sortant de la commode, les chaussures cohabitants avec les poufs dans un coin et la tonne de post it errant ça et là. Tels la foule de questions se bousculant dans ma tête, se cognant aux méninges, percutant les neurones, chahutant avec l’hippocampe. Et mes sentiments jouant à cache cache, un coup dans l’hémisphère droit, un coup dans l’hémisphère gauche. Impossible de savoir sur quel pied danser. L’amour s’est noyé dans le liquide cérébro spinal et la haine triture mon nerf optique. Un vrai foutoir. Le désespoir à bien failli inonder l’aire visuelle l’autre jour tandis que la nostalgie vagabonde et sautille de ventricules en ventricules. De temps à autre, quelques informations certainement importantes poussent la paresse et la bêtise pour se frayer un chemin jusqu’au lobe pré frontal mais  allez savoir si elles le trouvent. L’aire auditive est noire de monde, impossible de savoir qui est qui là dedans et l’air sensorielle a même mis un vigile pour ne plus laisser entrer personne, c’est vous dire ! Personne n’arrive à trouver son chemin là dedans, pas même un message nerveux...
Je ramasse l’agrafeuse, éjectée du bureau lors de la bataille du cahier de français contre celui d’espagnol. Jamais d’accord ces deux là. Ma mère jette un coup d’oeil pour voir mon avancée et vu son regard dubitatif, ce n’est pas encore ça. Mais comment voulez vous que je range ma chambre quand mon esprit est dans une telle pagaille ?