Je respire. Tu respires.
Je souris. Tu souris.
Je cille. Tu cilles.
Nous sommes en tout point pareille mais quelque chose ne va pas dans ce tableau. Je ressens un torrent d'émotions qui sommeille au plus profond de moi et pourtant quand je te regarde tout semble si calme. Je te donnerais une gifle que tu ne réagirais même pas.
Je respire. Tu respires.
Je souris. Tu souris.
Je cille. Tu cilles.
Tous les mouvements de ton visage semblent automatiques. Mais suis-je la seule à le voir ? Ce sourire ne parvient pas à cacher l'éclat sombre de tes yeux. Pendant un instant, si je me concentre bien, je peux réussir à voir quelque chose traverser tes iris. C'est comme si tu prenais vie. Enfin ! Et l'espoir ravive le feu du bonheur. Mais c'est si fugitif que l'instant suivant j'ai l'impression d'avoir rêvé.
Je respire. Tu respires.
Je souris. Tu souris.
Je cille. Tu cilles.
Nous sommes comme deux sœurs. Deux jumelles qui ne pourront jamais être séparées. Mais malgré toutes nos ressemblances je ne me suis jamais sentie aussi loin de toi. Tout devrait nous relier si fortement qu'on ne devrait former qu'une. Pourtant c'est loin d'être le cas. Quand je te regarde aujourd'hui, je sens comme une rupture. Ça fait mal. Je ne sais plus quoi faire. Et tu ne m'aides pas. Tu restes simplement là. À me rendre mon regard sans réagir. Et je sens la panique m'envahir.
Je respire. Tu respires.
Je souris. Tu souris.
Je cille. Tu cilles.
Il y a un tel fossé entre nous aujourd'hui que je ne me sens pas la force de le sauter pour te rejoindre, comme j'ai dû le faire tant de fois. La distance s'allonge et le vide à mes pieds est si profond que je n'en ai le vertige. Je recule malgré moi et sens ma gorge se serrer, empêchant l'air d'accéder à mes poumons. La douleur est si forte, mais ton visage reste toujours impassible. Ne ressens-tu rien ? Comment fais-tu ? Ne peux-tu tendre la main et m'aider comme moi je t'ai tant de fois aidé ? Tu es ma moitié. Sans toi je n'y arriverais jamais.
Je respire. Tu respires.
Je ne souris plus. Toi non plus.
Je cille. Tu cilles.
Je sens mes genoux tremblés. Ils ne supportent plus le poids de mon chagrin. Je tente de rester droite pour garder mes yeux dans les tiens, t'implorer silencieusement encore un instant et espérer que tu m'aideras. Ma main se pose sur le mur et je vois la tienne faire de même juste en face de moi. Ton visage se rapproche du mien et nos regards s'accrochent. Nous ouvrons la bouche en même temps mais les mots restent bloquer au fond de ma gorge, comme au fond de la tienne. Et là je vois ce que j'espérais voir.
Je respire. Tu respires.
Je ne souris plus. Toi non plus.
Je cille. Tu cilles.
Je t'ai regardé assez longtemps pour reconnaître le plissement de tes yeux. Ta poitrine se soulève au même rythme que la mienne, trahissant ton angoisse. Le mur qui s'est érigé entre nous s'étiole enfin et nous échangeons quelque chose. Ton masque de marbre tombe et tu es à mes côtés. La distance séparant nos cœurs s'est résorbée. Nous ne formons plus qu'une. Et la douleur explose avec plus de force encore.
Je respire. Tu respires.
Je ne souris plus. Toi non plus.
Je cille. Tu cilles.
Une larme s'échappe de mes cils et roule sur ma joue. Je la sens tracer une trainée incandescente sur ma peau. Je n'ai qu'à jeter un regard dans le miroir pour voir que cette même larme coule sur ta peau.
Pourquoi est-ce si difficile de montrer qui on est vraiment ?
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