Coucou, voici un petit texte que je viens de retrouver dans mes documents. Je l'ai un peu revu pour qu'il soit un peu présentable et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je préviens, c'est un peu déprimant, désolée ^^ Merci pour votre lecture !
1.
- Saute. Saute.
Le rire enfantin éclata dans la chambre alors que la petite fille blonde bondissait sur le matelas, essayant de toucher le plafond avec sa main tendue.
- Plus haut ! cria sa sœur.
- Je ne peux pas, lâcha la blonde avant de rire et de sauter encore et encore.
La brune rejoignit la blonde et à deux, elles sautèrent de plus belle en riant aux éclats. À un moment, déséquilibrée par sa sœur, la blonde s'étala de tout son long et manqua de passer par dessus bord. Les fillettes éclatèrent de rire en échangeant un regard complice. Elles durent attendre de longues minutes pour que leur respiration se fasse plus paisible et que leur ventre arrête de les tirailler. La brune se laissa tomber à côté de sa sœur et leva les mains au ciel.
- N'oublie pas de toujours sauter Nissa. Tu peux toujours aller plus loin, aller plus haut.
- Tu vois bien que je n'y suis pas arrivée ! objecta la plus jeune.
- Si tu n'y arrives pas, c'est qu'il faut changer quelque chose. Le matelas ne te fait peut être pas rebondir assez haut.
La brune lança un regard amusé à sa sœur avant de se redresser et à se remettre à sauter, ballottant sa sœur dans tous les sens et les éclats de rire se remirent à jaillir.
2.
Le matin se levait doucement. Les volets de sa chambre n'étaient pas fermés, ce qui laissa la possibilité aux rayons du soleil d'illuminer la pièce. La jeune fille qui était allongée dans son lit n'eut pas besoin de tourner la tête vers sa table de chevet pour regarder l'heure. Elle savait pertinemment qu'il lui restait encore plus d'une heure de repos. Elle aurait dû dormir. Elle dormait toujours le dimanche matin. Pourtant, ce jour-là elle était parfaitement réveillée. Bien avant l'heure. Elle était même restée éveillée toute la nuit.
Immobile dans ses draps elle n'avait pas envie de bouger. Son corps était lourd. Il avait tout juste la force de se soulever pour lui permettre de respirer. Elle sentait ses membres lourds, son cœur qui battait doucement au fond de sa poitrine. Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Combien en aurait-elle avant de devoir se lever ? Avant de devoir voir la vérité en face ?
3.
- Tu ne peux pas sortir avec lui, c'est un gars prétentieux qui ne fait que parler de sa petite personne.
- Arrête un peu Alexia. Je n'ai jamais dit que ça serait l'homme de ma vie. J'ai juste envie de m'amuser !
Ladite Alexia fit les gros yeux mais n'ajouta rien. Elle savait que sa meilleure amie n'en découdrait pas.
- Et puis, il est juste trop canon ! Je t'assure que je vais profiter à fond de ce qu'il aura à m'offrir.
- Ignoble jeune femme perverse ! s'écria Alexia en frappant son amie.
- Quoi ? Nous sommes à l'âge où la nature nous pousse à nous interroger sur tout ce qui peut se passer avec le sexe opposé. Ou du même sexe, tout dépend tes orientations.
Alexia rougit jusqu'à la racine des cheveux et détourna les yeux. Elle savait que son amie n'était pas dupe, mais elle n'était pas prête d'en parler. C'était tellement … bizarre.
- Eh, ça va Alexia, n'est pas honte de ce que tu es. Tu es une fille formidable. Ça, ça ne changera rien. Au contraire. Tu reste belle, attirante, intelligente, drôle et de très bonne compagnie. Par contre, je peux te dire que Théodore sera énormément déçu quand il l'apprendra.
- Jamais ! Il ne l'apprendra jamais ! s'écria la jeune fille en ouvrant de grands yeux.
- Si tu gardes ce secret trop au fond de toi, il te tuera Alexia, répliqua son amie sur un ton soudainement sérieux.
Les deux jeunes filles échangèrent un regard avant qu'Alexia ne sourit, émue.
- Je ne suis pas sûre d'être prête...
- Ça viendra, j'en suis sûre.
4.
La rue des Lilas était une rue résidentielle comme beaucoup d'autres. Les maisons qui la bordaient étaient de taille différentes mais avaient toutes de grands jardins. Les clôtures étaient basses, laissant les regards curieux s'aventurer dans la vie privée des familles. Alexia se souvint alors de toutes les fois où elle avait couru sur les trottoirs. Au numéro douze, elle savait que la route descendait en pente douce jusqu'au numéro vingt-cinq. Il faisait beau ce dimanche. L'air était déjà presque trop lourd. L'après-midi serait difficile. Si difficile. Le plus difficile de sa vie. Et pourtant … Pourtant la rue n'avait pas changé. Les maisons étaient toujours les mêmes, avec en leur sein les mêmes familles. Comment tout ceci pouvait-il être réel alors que le monde ne semblait pas avoir changé ?
Ses pas ralentirent l'allure. Les pensées se mélangeaient dans son esprit, déclenchant des douleurs dans sa poitrine. Son corps se tendit tout entier alors qu'un hoquet la secouait. Elle s'arrêta au milieu de la rue et voulut faire marche arrière. Elle ne pouvait pas y aller. C'était bien trop dur. La douleur allait la foudroyer. Elle ne tiendrait jamais. Elle ne pouvait pas...
5.
- Maman, est-ce que je pourrais emprunter ta voiture ?
La jeune femme lança un regard suppliant à sa mère. Lorsque celle-ci releva la tête, elle fut soudain frappée par l'image que lui renvoya sa fille. Depuis quand était-elle si grande ? Son corps de femme était définitivement apparu. Et elle avait son permis. Ce petit bout de papier lui permettait de quitter le cocon familial quand bon lui prenait. Elle pouvait partir à l'autre bout du monde à présent.
- Maman ?
- Pardon chérie, sursauta la femme en détournant la tête pour avoir le temps de ravaler ses larmes.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Rien je... Oui. Oui tu peux prendre ma voiture. Mais promets moi de rentrer d'accord !
- De rentrer ? répéta sa fille en fronçant les sourcils. Bien sûr que je vais rentrer.
- Je veux dire, promets moi de rentrer avant deux heures d'accord.
- Deux heures, acquiesça-t-elle.
- Les clés sont dans mon sac.
- Tu es la meilleure des mamans !
La fille se jeta à son cou, lui embrassa le haut du crâne puis tourna les talons. La mère aurait voulu la garder contre elle, l'empêcher de s'envoler, la garder pour elle encore quelques instants. Mais elle ne le pouvait pas. Son temps était passé.
6.
L'église était petite et le paraissait deux fois plus ce dimanche après-midi. Cependant, lorsque la femme y entra, elle le remarqua à peine. Ses pas la guidaient avec des mouvements mécaniques. Elle n'avait qu'à mettre un pied devant l'autre, forcer ses jambes à soutenir son corps qu'elle ne sentait plus. Cela semblait marché. Elle pouvait le faire. Elle le ferait. Elle traversa la grande allée, sentant les regards des dizaines de personnes se poser sur elle. Elle avait tout juste la force de leur lancer de pâles sourires. Ses yeux ne s'attardaient pas sur les visages. Plus tard, elle ne saurait pas dire qui avait été là et assis à quel endroit. La tristesse et la compassion qu'elle pouvait lire dans leurs regards la mettaient hors d'elle. Pourquoi se tenaient-ils là, la larme à l'oeil, comme si le monde s'était arrêté de tourner pour eux aussi ? Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait ressentir. Elle était sur ses jambes, elle avançait encore sans l'aide de personne. Pourtant, il lui semblait qu'en plus du poids du chagrin qui lui recouvrait les épaules depuis ces derniers jours, aujourd'hui, elle avait droit au poids de leur regard et de leurs attentes. Ils voulaient voir comment elle s'en sortait. Ils voulaient être témoins de son combat avec le chagrin. Mais elle ne tomberait pas. Jamais devant eux. Sa douleur la transperçait. Maintenant, elle ne comptait plus que sur son corps. Son corps avançait pour elle. Mais jusqu'à quand ?
7.
- Tu ne peux pas me dire ça, hurla-t-il. Je t'aime. Je t'aime comme un fou et si tu me quittes alors je ne pourrais plus jamais aimer comme je t'ai aimé. Et pourtant j'ai besoin d'aimer. J'ai besoin de pouvoir te dire chaque jour que tu es la femme de ma vie, que je suis heureux grâce à toi et que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour rendre ta vie merveilleuse. Si tu me quittes aujourd'hui … Je ne m'en remettrai pas. Je le sais. Je me connais.
Un sourire éclaira son visage rongé par la tristesse.
- Je ne suis rien sans toi. Tu es si exceptionnelle. Les filles comme toi ne courent pas les rues. Tu es même unique. C'est peut-être présomptueux de te demander ça mais … Je ne peux pas. Je ne peux pas te perdre. Je voudrais être celui que tu choisis. Je voudrais être le chanceux qui restera à tes côtés. S'il te plaît, ne me quitte pas.
Il enfouit sa tête dans ses mains, sentant son cœur sur le point d'exploser.
- Tout va bien se passer Nat', dit-elle d'une voix douce. Je … ça me touche beaucoup ce que tu viens de me dire et je ne veux pas te faire de mal mais...
- Non, non s'il te plaît !
Un sanglot lui échappa. Il n'avait pas envie de pleurer mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Il était un homme faible. Elle le rendait faible. Mais il était prêt à accepter qu'elle le rende faible toute sa vie si elle acceptait de rester avec lui.
- Nat, répéta-t-elle en lui prenant la main. Tu aimeras encore. L'amour est partout Nat. Tu ne le sais pas, mais je te le dis. Je suis désolée de te causer autant de chagrin. Tu es … tu es si gentil mais... Je ne suis pas sûre de vouloir qu'on continue.
- Tu n'es pas amoureuse ?
- Tu n'es pas mon grand amour, dit-elle sur un ton d'excuse.
Il la détestait autant qu'il l'aimait. Pourtant, l'un ne chassait pas l'autre. Les deux sentiments cohabitaient en lui, aussi puissants l'un que l'autre, bataillant sans que l'un ne réussisse à gagner.
- Je suis désolée..., murmura-t-elle.
Elle porta sa main à ses lèvres puis s'éloigna avec un sourire d'excuse. Un doux sourire qui resterait graver dans sa mémoire à tout jamais.
8.
Son costume lui donnait chaud. Lorsqu'il sortit de l'église et se joignit au cortège, il marcha comme tous les autres, la veste sur les épaules et la cravate accrochée au cou. Il ne les enlevait pas parce qu'il savait qu'elle aimait quand il les portait. Et pour un dernier au revoir il voulait être beau pour elle.
Son cœur se serrait à chaque pas et la boule qui obstruait sa gorge depuis le début de la cérémonie semblait grossir encore chaque minute, l'étouffant presque.
9.
Le cimetière était juste à côté de l'église. Ils ne durent marcher que quelques minutes avant de passer les grilles rouillées. Les tombes se dressèrent alors de part et d'autre. Sa nouvelle maison l'attendait. Le coin était plutôt calme, et elle savait qu'elle y serait bien. Et puis, elle savait aussi qu'elle aurait de la visite. Sans doute beaucoup au début, puis un peu moins par la suite. Mais elle aurait toujours de la visite. Parce que les gens qui l'aimaient ne cesseraient jamais de l'aimer, même si elle les avait quitté brutalement sans avoir eu le temps de leur dire au revoir.
Je n'oublierai jamais de sauter toujours plus haut Amy...
Sa sœur déposa la rose sur son cercueil avant de rebrousser chemin, les larmes aux yeux.
Je t'aime Amandine. Je crois que je suis tombée amoureuse de toi le jour où tu m'as dit de ne pas avoir honte de mes sentiments. Et pourtant tu n'es plus là...
Sa meilleure amie Alexia resta une longue seconde face à elle. Puis elle se détourna.
Ma chérie... Tu resteras à jamais ma petite fille...
Sa mère déposa une rose, les joues baignées de larmes avant de reculer d'un pas sans la quitter des yeux.
Pourquoi m'as-tu quitté une deuxième fois ?
Nathan déposa sa rose rouge et partit sans oser toucher le cercueil.
Les proches se succédèrent, déposant leur rose et lui adressant leurs adieux avant de quitter le cimetière. Sur la plaque de marbre qui ornait la nouvelle tombe, on pouvait désormais lire : Amandine Fabre 1988 – 2016. Elle était morte dans un accident de voiture alors qu'elle se rendait à une fête entre amis. Elle laissait une sœur, une mère, une meilleure amie, un ex qui n'avait jamais cessé de l'aimer, des amis, de la famille, des connaissances. Elle laissait le monde. Elle n'avait pas eu le temps de leur dire adieu. Elle n'avait pas eu le temps de leur dire de continuer à vivre sans elle.